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les petits vers

Contre Fréron, son ennemi le plus implacable, et, du reste, le plus distingué par son talent, il cisèle cette épigramme « imitée, » dit-il, « de l’Anthologie : »

L’autre jour au fond d’un vallon
Un serpent piqua Jean Fréron.
Que pensez-vous qu’il arriva ?
Ce fut le serpent qui creva.

« Les madrigaux sont les maris des épigrammes, » disait Mme de Sévigné ; et en effet un madrigal n’est qu’une épigramme qui caresse, comme l’épigramme est un madrigal qui mord, et les Grecs n’ont que ce même mot d’épigramme pour signifier les deux choses. Voltaire a été le grand maître du madrigal comme de l’épigramme, et il n’y a peut-être que La Fontaine qui sache mieux que lui, ou aussi bien, tourner un compliment en vers. En voici quelques-uns, pris presque au hasard dans la foule ; je dis presque au hasard ; car dans l’épigramme il faut choisir, Voltaire y étant quelquefois grossier ; dans le madrigal il est souvent exquis, il est rarement insignifiant, il ne tombe jamais dans la fadeur.

À Gentil-Bernard, auteur de l’Art d’aimer, de la part de la marquise de Pompadour, pour l’inviter à venir dîner chez la marquise :

Au nom du Pinde et de Cythère,
Gentil-Bernard est averti
Que l’Art d’aimer doit samedi
Venir dîner chez l’art de plaire.

À Mlle de Guise, depuis duchesse de Richelieu, sœur de Mme de Bouillon :