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CHAPITRE X

NOUVELLES ET ROMANS EN PROSE.

C’est vers la fin de sa vie, ou du moins dans sa maturité, que Voltaire écrivit ses nouvelles et romans en prose, qui, de tous ses ouvrages, sont ceux qui ont peut-être été les plus admirés, et certainement les plus lus.

Il avait plus d’un guide et même plus d’un modèle en cette affaire.

Le conte satirique, le conte écrit pour donner une leçon aux hommes en même temps que pour les amuser, et pour se moquer d’eux en les divertissant, est fort ancien dans notre littérature et dans toutes les littératures. Sans remonter au moyen âge, on sait bien que notre Savinien de Cyrano de Bergerac n’a voyagé dans la lune et dans le soleil que pour se moquer agréablement de la Terre. Plus tard Montesquieu, inspiré peut-être par les Amusements sérieux et comiques d’un Siamois, de Dufresny, écrivit ses Lettres Persanes, qui sont une satire, quelquefois un peu pénible, souvent profonde et fine, des mœurs et des institutions de la France.

Mais les vrais maîtres de Voltaire en ce genre furent Rabelais et Swift. Il avait dit et même pensé d’abord assez de mal de Rabelais, dont les grossièretés le dégoûtaient. Puis il s’était ravisé, l’ayant mieux lu, mieux pénétré, s’étant du reste agrandi lui-même et comme