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Voltaire

Qui de personne n’est haï,
Qui de bon sens toujours raisonne,
Et qui n’eut jamais de souci.
À tout le monde il a su plaire. »
On lui dit : « Ce n’est pas ici
Que vous trouverez votre affaire,
Et les gens de ce caractère
Ne vont point dans ce pays-ci. »

Thélème marcha vers la ville.
D’abord elle trouve un couvent,
Et pense dans ce lieu tranquille
Rencontrer son tranquille amant.
Le sous-prieur lui dit : « Madame,
Nous avons longtemps attendu
Ce bel objet de votre flamme,
Et nous ne l’avons jamais vu,
Mais nous avons en récompense
Et la discorde, et l’abstinence. »
Lors un petit moine tondu
Dit à la dame vagabonde :
« Cessez de courir à la ronde
Après votre amant échappé ;
Car si l’on ne m’a pas trompé,
Ce bon homme est dans l’autre monde. »

À ce discours impertinent,
Thélème se mit en colère :
« Apprenez, dit-elle, mon frère,
Que celui qui fait mon tourment
Est né pour moi, quoi qu’on en dise.
Il habite certainement
Le monde où le destin m’a mise,
Et je suis son seul élément ;
Si l’on vous fait dire autrement,
On vous fait dire une sottise. »

La belle courut de ce pas
Chercher au milieu du fracas
Celui qu’elle croyait volage :
« Il sera peut-être à Paris,