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le dramatiste. ― comédies

Que jusquà moi ce cœur peut s’abaisser :
Je le redoute, et n’ose le penser.
De quel courroux Madame est animée !
Quoi ! l’on me hait et je crains d’être aimée !
Mais, moi ! Mais, moi ! Je me crains encor plus ;
Mon cœur troublé de moi-même est confus.
Que devenir ? De mon état tirée,
Pour mon malheur je suis trop éclairée.
C’est un danger, c’est peut-être un grand tort
D’avoir une âme au-dessus de son sort.
Il faut partir ; j’en mourrai ; mais qu’importe !

Quand la mère du comte, la vieille marquise, croit que son fils va épouser la baronne, elle relève son fils vertement dans une jolie apostrophe de vieille babillarde :

 
Eh bien ! Monsieur le comte,
Vous faites donc à la fin votre compte

De me donner la baronne pour bru ;
C’est sur cela que j’ai vite accouru.
Votre baronne est une acariâtre,
Impertinente, altière, opiniâtre,
Qui n’eut jamais pour moi le moindre égard ;
Qui, l’an passé, chez la marquise égard,
En plein souper me traita de bavarde :
D’y plus souper désormais Dieu me garde !
Bavarde, moi ! Je sais d’ailleurs très bien
Quelle n’a pas, entre nous, tant de bien :
C’est un grand point ; il faut qu’on s’en informe ;
Car on m’a dit que son château de l’Orme
À son mari n’appartient qu’à moitié ;
Qu’un vieux procès, qui n’est pas oublié,
Lui disputait la moitié de sa terre :
J’ai su cela de feu votre grand-père.
Il disait vrai ; c’était un homme, lui !
On n’en voit plus de sa trempe aujourd’hui.
Paris est plein de ces petits bouts d’hommes.
Vains, fiers, fous, sots, dont le caquet m’assomme.