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œuvres historiques en prose

florissant malgré ses malheurs ; il transplante en France les beaux-arts qui étaient en Italie au plus haut point de leur perfection.

Le roi d’Angleterre Henri VIII, trop cruel, trop capricieux pour être mis au rang des héros, a pourtant sa place entre les rois et par la révolution qu’il fit dans les esprits de ses peuples, et par la balance que l’Angleterre apprit sous lui à tenir entre les souverains. Il prit pour devise un guerrier tendant son arc, avec ces mots : Qui je défends est maître ; devise que sa nation a rendue quelquefois véritable.

Le nom du pape Léon X est célèbre par son esprit, par ses mœurs aimables, par les grands hommes dans les arts qui éternisent son siècle et par le grand changement qui sous lui divisa l’Église…

L’ancien monde est ébranlé, le nouveau monde est découvert et conquis par Charles-Quint ; le commerce s’établit entre les Indes orientales et l’Europe par les vaisseaux et les armes du Portugal. Cortez soumet le puissant empire du Mexique ; et les Pizarre font la conquête du Pérou avec moins de soldats qu’il n’en faut en Europe pour assiéger une petite ville. Albuquerque dans les Indes établit la domination et le commerce du Portugal avec presque aussi peu de forces, malgré les rois des Indes, et malgré les efforts des musulmans en possession de ce commerce….

Ce qui frappe encore dans ce siècle illustre, c’est que, malgré les guerres que l’ambition excita, et malgré les querelles de religion qui commençaient à troubler les États, ce même génie qui faisait fleurir les beaux-arts à Rome, à Naples, à Florence, à Venise, à Ferrare, et qui de là portait sa lumière dans l’Europe, adoucit d’abord les mœurs des hommes dans presque toutes les provinces de l’Europe chrétienne…

Il y eut entre Charles-Quint et François Ier une émulation de gloire, d’esprit de chevalerie, de courtoisie au milieu même de leurs plus furieuses dissensions ; et cette émulation, qui se communiqua à tous les courtisans, donna à ce siècle un air de grandeur et de politesse inconnu jusqu’alors. Cette politesse brillait même au milieu des crimes ; c’était une robe d’or et de soie ensanglantée…

L’industrie fut partout excitée : Marseille fit un grand commerce, Lyon eut de belles manufactures. Les villes des