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DE L’ORTHOGRAPHE

un jeu d’une extrême facilité et d’un effet sûr que d’écrire la phrase suivante : « Je suis home à accepter la nouvèle ortografe avec une satisfaccion san mélange ; car je n’ai pas fait ma rétorique et je ne me conais pas en stil ; ma fame non plus… » — Le lecteur s’écrie, tout fier de son savoir : « Oh ! l’orthographe de ma cuisinière ! » S’il est plus raffiné, il s’écrie : « C’est peut-être juste ; mais c’est affreux, c’est horrible ! Oh ! la physionomie des mots ! La beauté des mots ! Car le mot a sa beauté… » — Et le tour est joué.

Seulement la physionomie des mots a changé dix fois depuis trois cents ans et, si l’on s’était arrêté à la physionomie des mots, on écrirait encore cholère et charactère et chymie et advocat et escole et abysme et argille et bienfaicteur et déthrôner. La vérité est qu’on s’habitue très vite à la physionomie nouvelle des mots. Qui est-ce qui regrette françois ? Il n’est écrit français, officiellement du moins, que depuis soixante-dix ans. Qui est-ce qui regrette phthisie et rhythme ? Ils ne sont écrits plus simplement que depuis vingt-cinq ans. Je les ai écrits comme cela pendant toute mon enfance et toute ma jeunesse. Je les regrette peut-être ; mais à ce seul point de vue.