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lui. De cela Commynes n’a cure , ou croirait qu’un portrait tel serait déformé et infidèle, en quoi il aurait raison. Mais des portraits d’hommes d’Etat, de négociateurs, de princes, et lentement tracés, à plusieurs reprises, avec des retouches, il en a, et d’admirables.

Voyez cet Olivier le Daim, barbier du roi et son compère. C'était un sot, parce qu’il n’avait pas d’éducation. Le roi l'envoya à Gand, parce qu’Olivier était de ce pays-là, pour « pratiquer » les gens de la ville et pour persuader à Mademoiselle de Bourgogne, fille du duc Charles, qui y était alors, de se remettre entre ses mains. Il fut piteux. Devant toute la cour il s’obstina à vouloir parler à Mademoiselle de Bourgogne seul à seule, et devant les objections, resta court, ne sut rien inventer pour couvrir sa déconvenue, et se départit sans rouvrir la bouche. On le moqua, on lui fit croire qu’on le jetterait à la rivière, ce que d’ailleurs on eût fait peut-être, et, de la ville comme du palais, il s’enfuit en courte honte. Quel ambassadeur !

C’était un sot ; mais ce n’était pas une bête. Pour un coup de main mêlé d’un coup d'adresse il en valait un autre. Huit jours après, il réussissait à Tournay. Il y faisait entrer les gens du roi sans coup férir, par une habileté de maquignon. C’était là son ballot. Ridicule ambassadeur, forban adroit. Aussi, de l’avoir envoyé là-bas « ne faut-il blâmer qui avait charge trop grande pour lui, mais ceux qui la lui baillèrent. » — Dans tout ce chapitre on voit le drôle au naturel, déconcerté hors de sa sphère, vite remis sur pied, et, dans son élément inférieur,reprenant ses avantages.

Avez-vous connu Edouard IV, roi d’Angleterre ? C’était le plus beau des souverains, grand, de belle taille, de belle figure, trop beau pour avoir de l’esprit, de ces hommes qui sont nés pour le plaisir élégant dans leur jeunesse, pour le plaisir bête, la paresse et l'obésité dans l’âge mûr. Louis XI le mesura d’un coup d’œil. Ce