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Que les Athéniens disparaissent comme peuple, évidemment cela ne fera point un grand tort à l’humanité, et même on peut soutenir que cela lui sera un profit, les Athéniens donnant un mauvais exemple, celui de la déraison. Et l’on peut dire aussi que cela ne leur fera aucun tort à eux-mêmes, puisqu’ils continueront à avoir de l’esprit et à faire de belles statues, seule vocation qui soit la leur, et qu’ils seront administrés plus sagement qu’ils ne le sont, à coup sûr, puisqu’ils ne le seront pas par eux-mêmes.

Tout cela est juste. Mais je crois bien aussi qu’un peuple qui cesse d’être un peuple perd quelque chose même de ses qualités non politiques et que les Athéniens auront moins d’esprit, et feront moins de belles statues et de belles tragédies quand ils seront province de quelque vaste empire. L’autonomie nationale est une fierté qui soutient même le particulier, même l’artiste, même le poète, même le philosophe, et qui lui donne ou lui garde toute son énergie et toute sa vertu productrice et créatrice. Cela est à peu près certain.

Il y a donc perte pour l’humanité tout entière quand un peuple qui n’est pas un simple agrégat d’imbéciles est absorbé par un peuple plus puissant.