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elle existe ; si on ne la sent pas, elle n’existe point.

Mais si on la sent très fortement, non seulement elle existe, mais elle est féconde. Elle crée. Elle se crée elle-même, et je veux dire qu’elle se développe et elle crée une foule d’actes de solidarité, de dévouement des uns envers les autres qui aboutissent à une égalité générale, non seulement très réelle, mais très sensible.

Il me semble que c’est cela qu’a entrevu Platon, et je ne me ferai pas prier pour dire que non seulement il l’a entrevu, mais qu’il l’a très bien vu ; et que c’est moi qui par ma faute ne fais que l’entrevoir dans sa rédaction.

Il me semble donc que c’est cela que Platon a vu et a cherché à démêler. Il sentait bien que la démocratie, quoi qu’en eût dit Thucydide et quoi que, tout compte fait, il en pensât lui-même, ne pouvait pas être tout simplement « une bêtise ».

Et d’ailleurs ce sont les simplistes, c’est-à-dire les gens grossiers, qui décident ainsi et qui s’expriment de la sorte. Il sentait bien qu’il devait être vrai et qu’en tout cas il était élégant de croire que la démocratie contenait en son fond quelque chose qui était moins bête qu’elle.

Et c’est pour cela qu’il cherchait et que peut-être il trouvait ce qui est la beauté cachée de l’idée égalitaire ou ce qui peut en excuser le goût.