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l’abstraction est ce qu’il élabore, et l’abstraction est son travail, qu’il aime, et le mythe sa récréation naturelle, qu’il aime peut-être plus ; à moins, ce qui est probable, qu’il aime autant l’un que l’autre, selon les heures, et qu’une vie partagée entre les deux lui paraisse harmonieuse comme une œuvre d’art et la seule digne d’être vécue.

Et enfin, dernier contraste, ou plutôt dernier complément et chose qui montre plus que tout cette compréhension peut-être volontaire, plus probablement naturelle et instinctive du génie de Platon, il déteste la démocratie ; il déteste l’égalité ; il n’attend rien de bon de l’égalité, et l’égalité ne laisse pas d’exercer sur lui je ne sais quelle séduction qui reste confuse, mais qui est bien significative, puisque, par ce qu’elle a d’indéterminé, elle ressemble à je ne sais quoi comme un vague aveu, ou un vague regret ou un vague retour.

C’est Mme  de Rémusat, je crois, qui a dit : « On n’est jamais uniquement ce qu’on est surtout. » Platon est surtout aristocrate ; c’est bien évident et c’est certain ; mais il ne peut pas s’empêcher, ou de regretter de n’être pas égalitaire, ou de chercher à l’être de quelque façon ; — et l’on est toujours un peu ce qu’on regrette de n’être pas.

Avez-vous lu cette singulière page des Lois ? Je confesse que je ne la comprends pas ; mais comme