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doute Platon, soit par habitude, soit par un peu de prudence (ce qui est moins mon avis, car, en somme, il s’est exposé à la loi d’asébeia toute sa vie, et je crois qu’il faut estimer Platon extrêmement courageux), dit : « les Dieux » aussi souvent que « Dieu ». Mais on peut considérer cette formule comme une simple figure de rhétorique, tant il est dédaigneux de la « mythologie » proprement dite, toutes les fois qu’il s’occupe d’elle directement et formellement.

Sans doute Socrate, de la façon que le fait parler Platon dans l’Apologie, déclare hautement qu’il croit aux Dieux ; mais il le déclare et surtout le prouve d’une manière assez étrange et un peu équivoque : « Tout le monde, dit-il en substance, sait que je crois aux Démons, puisque j’en ai un. Or qu’est-ce que c’est que les Démons ? Ce sont les enfants des Dieux. Comment voulez-vous donc que je ne croie pas aux Dieux ?… » — Il est presque loisible de prendre cela pour de l’ironie assez forte, comme, du reste l’ironie règne presque d’un bout à l’autre de l’Apologie.

Toujours est-il que voici comme Platon parle des Dieux à son ordinaire. Il fait dire spirituellement à Socrate dans l’Euthyphron : « Selon toi une même chose paraît juste à certains Dieux et injuste aux autres, et ce dissentiment est la cause de