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Nous savons bien que les tragiques se donnent de très favorables noms, peut-être sérieusement, se considèrent comme consacrés à une admirable et très salutaire mission. Ils disent que les poètes comiques s’adonnent à l’imitation de la vie en ce qu’elle a de ridicule et de bas ; et que par conséquent il serait naturel de les éliminer de la République ; mais que la tragédie est l’imitation de la vie en ce qu’elle a d’excellent et de sublime. Voilà qui va fort bien ; mais c’est précisément pour cela qu’on peut répondre à « ces personnages divins » : « Étrangers, nous sommes nous-mêmes occupés à composer la plus belle et la plus parfaite tragédie : tout notre plan de gouvernement n’est qu’une imitation de ce que la vie a de plus beau et de plus excellent, et nous regardons à juste titre cette imitation comme la véritable tragédie. Vous êtes poètes et nous aussi dans le même genre ; nous sommes vos rivaux et vos concurrents. Or nous croyons que la vraie loi peut seule atteindre à ce but et nous espérons qu’elle vous y conduira. Ne comptez donc pas que nous vous laissions entrer chez nous sans nulle résistance, dresser votre théâtre sur la place publique et introduire sur la scène des acteurs doués d’une belle voix qui parleront plus haut que nous ; ni que nous souffrions que vous adressiez la parole en public à nos enfants, à nos