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et peut être une telle exception (Nietzsche) qu’on verra dans les poètes tragiques et les représentants et les professeurs de toute une morale, virile et héroïque, particulière à la race grecque ? Ce serait une erreur bien forte et une méconnaissance presque ridicule de ce qu’est en son fond et en son expression et son influence la sublime tragédie attique. La sublime tragédie attique est une a rhétorique » aussi vaine et partant aussi funeste que la rhétorique et la déclamation des orateurs de la Pnyx. « À quoi est-ce qu’il tend, ce poème imposant et admirable ? Tous ses efforts, tous ses soins n’ont-ils point pour objet unique de plaire au spectateur ? Lorsqu’il se présente quelque chose d’agréable et de gracieux, mais en même temps de mauvais [au point de vue moral], prend-il soin de le supprimer, de chanter et de déclamer ce qui est désagréable mais utile, sans se soucier que les spectateurs y trouvent du plaisir ou n’en trouvent point ?… Les paroles [dans cet opéra qui s’appelle la tragédie] s’adressent à la multitude assemblée. Elles sont donc une sorte de déclamation populaire. C’est donc une rhétorique pour le peuple, pour les enfants, les hommes libres et les esclaves, réunis ensemble, et de la rhétorique nous ne faisons pas grand cas, puisque nous avons dit qu’elle n’était qu’une flatterie. »