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Les poètes, en vérité, et aussi bien les lyriques que les dramatiques, sont de simples flatteurs et adulateurs publics, des gens qui caressent la foule là où elle aime qu’on la caresse, sans se soucier que de réussir en ce dessein, infiniment analogues aux courtisanes et qui ne paraissent pas devoir être beaucoup plus respectés qu’elles ne le sont : « On peut chercher à complaire à une foule d’âmes assemblées sans s’embarrasser de ce qui est le plus avantageux pour elles… Il y a des professions qui produisent cet effet. Le joueur de flûte, par exemple, vise uniquement à nous procurer du plaisir et ne se met point en peine d’autre chose. De même le joueur de lyre dans les fêtes publiques. Mais n’en dirons-nous pas autant des exercices des chœurs et de la composition des dithyrambes ? Crois-tu que Cinesias, fils de Mêlès, se soucie beaucoup que ses chants soient propres à rendre meilleurs ceux qui les entendent et qu’il vise à autre chose qu’à plaire à la foule des spectateurs ?… Et son père, Mêlès ? Pensez-vous que quand il chantait sur la lyre, il eût en vue le bien ?… Ne jugez-vous pas que toute espèce de chant sur la lyre et toute composition dithyrambique ont été inventées en vue du plaisir ?… »

Fera-t-on, comme on sera souvent tenté de le faire, une exception en faveur des poètes tragiques,