Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pénétrer doucement ou à laisser s’introduire insensiblement cette opinion dans l’esprit de ceux qu’on enseigne ou qu’on entretient.

Tels étaient les deux défauts essentiels des sophistes et les deux dangers que présentaient leur enseignement, leur influence ou simplement leur existence.

Or ils existaient, ils enseignaient et ils étaient très aimés, et de tout le monde à ce qu’il me semble. Ils auraient pu être détestés du bas peuple, à cause de leur distinction ; mais il ne faut jamais oublier qu’à Athènes le bas peuple n’existe pas, les esclaves en tenant lieu. Athènes était une ville composée d’une aristocratie riche, d’une grande bourgeoisie d’armateurs et commerçants et d’une petite bourgeoisie de maîtres artisans et boutiquiers, eux-mêmes beaux parleurs et fins appréciateurs de poésie dramatique et d’éloquence. — Les sophistes plaisaient à tout le monde.

Ils n’inquiétaient pas les politiciens et les chefs du gouvernement, quels qu’ils fussent, ne s’occupant guère de politique, et les politiciens voyant plutôt leurs maîtres, mais des maîtres qui n’étaient ni impérieux ni gênants, des maîtres amis, dans des hommes qui enseignaient l’art de persuader n’importe quoi et qui considéraient cet art comme l’art suprême ; et il y avait comme une sorte de parenté