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scientifique doit consister sans doute à découvrir quelque chose.

Au-dessus de ces sciences-là, il y en a qui ne sont pas nées des besoins physiques, mais des instincts esthétiques ou des instincts rationnels : mathématiques, astronomie, architecture. Ce sont des sciences nobles. L’homme y trouve de grands plaisirs ; mais peut-on les considérer comme donnant le souverain bien ? Ce serait assez difficile, puisque ces sciences, tout en donnant des jouissances, c’est-à-dire tout en satisfaisant le désir, en étendent indéfiniment l’horizon et par conséquent l’irritent autant qu’elles le satisfont et par conséquent donnent autant de tourments que de jouissances et des tourments en raison même des jouissances.

La vie du savant est celle d’un homme qui creuse un puits ou qui s’élève dans les airs : plus il creuse profond, plus il est à la fois satisfait d’avoir été si loin et désespéré de sentir qu’il y a à aller plus loin encore ; plus il s’élève, plus il est satisfait avoir un panorama plus vaste, et désolé de sentir qu’il y a mille fois plus de choses à voir qu’il n’en aperçoit. Si la science est simplement savoir à quel point on ignore, pour l’homme amoureux de savoir elle est d’autant plus douloureuse qu’elle est plus étendue.