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moi quelqu’un avec qui je puis discuter, je n’ai pas devant moi quelqu’un ou quelque chose qui m’oblige, je n’ai pas un impératif. À ma raison je puis dire : « Prouve-moi que je dois me sacrifier ; prouve-moi que je ne suis rien devant toi qu’un esclave qui doit obéir ; prouve-moi que je te dois tout mon moi. » C’est précisément ce que la raison ne peut pas prouver.

Aussi ceux-là qui ont fait de la conscience intime le fondement de la morale se sont-ils bien gardé de confondre la conscience avec la raison et ont-ils bien fait remarquer que réellement, que dans le fait, elles ne se confondent nullement, que la raison raisonne et que la conscience commande sans donner ses raisons, que la conscience dit : « Fais ceci parce que je le veux », et que nous lui obéissons uniquement parce qu’elle commande.

Il est possible ; mais alors nous nous trouvons encore en face d’un être tout métaphysique, en face d’un Dieu, qui nous impose, qui nous suggestionne et dont nous avons peur. C’est un Dieu intérieur ; mais c’est un Dieu. C’est tellement un Dieu que certains ont affirmé qu’il n’est qu’un reste, qu’un résidu, au fond de nous, des antiques croyances religieuses ; ou, si l’on veut, nous transposons, et nous appliquons à quelque chose que nous localisons en nous, que nous croyons