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On peut dire que c’est naturel ; mais il n’y a rien au monde de plus absurde. Car ce peuple, appelons-le le peuple A, que fera-t-il du peuple B s’il triomphe de lui ? Il le rapprochera de soi, de quelque manière qu’il s’y prenne, et c’est-à-dire qu’il aura réussi à en souffrir davantage. En effet, ou il en fera son tributaire, ou il l’annexera, simplement. S’il en fait son tributaire, il jouira sans doute du grand plaisir de le sentir humilié, mais il aura multiplié les rapports entre lui et soi. Il faudra sans cesse qu’il s’occupe de lui, de ses réclamations, de ses plaintes, de l’organisation et de la répartition des tributs, etc. Le peuple A, par horreur du peuple B, aura établi entre le peuple A et le peuple B les rapports de maître à domestique ou de propriétaire à fermier. On ne peut guère aller plus directement contre son but eu contre le but qu’on devrait avoir.

Si le peuple A annexe simplement le peuple B, c’est bien pis : le peuple A, parce qu’il détestait le peuple B, l’a fait entrer dans sa maison ; il vivra désormais en contact continuel avec lui. Il jouira sans doute, encore, du plaisir de le sentir humilié ; mais il n’en vivra pas moins en communauté avec lui ; il enverra chez lui des chefs, des administrateurs, des soldats qui se sentiront détestés et qui détesteront, et voilà une vie bien agréable ! Con-