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s’affaiblira moralement de façon singulière aux yeux de ses sujets ; et dans la voie des conquêtes une fois ouverte, ce qu’il y a de terrible, c’est que ne pas avancer semble un recul.

Considérez encore les guerres de conquête à un autre point de vue, au point de vue des nationalités. Il y a là des phénomènes bien curieux. Les guerres de conquête détruisent les nationalités et elles les créent ; de telle sorte que l’on ne sait aucunement ce que l’on fait quand on fait une guerre de conquête. C’est un affreux jeu de hasard. Il arrive qu’en faisant une guerre de conquête, on détruit une nationalité — le temps aidant — et on l’incorpore dans la sienne ; il arrive qu’on ne la détruit pas et qu’elle subsiste sous votre joug, toujours frémissante et infiniment embarrassante pour vous ; il arrive enfin que là où n’existait pas de nationalité vous en créez une. L’Angleterre a absorbé en elle la nationalité écossaise ; mais elle n’a pas assimilé la nationalité irlandaise, et dans le premier cas l’annexion lui a été utile et elle lui a été nuisible dans le second. Que faut-il conclure et quel exemple est à imiter ? — La Russie n’a pas encore, au bout de plus d’un siècle, réussi à détruire la nationalité polonaise. En ces conditions la Pologne lui est-elle une force ou une faiblesse ? — Il y a donc des cas où la conquête détruit une