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enclave, du reste riche et fertile, bien choisie, du peuple A. C’est ce qu’on ne fait jamais, avec raison pratique du reste, parce que cela compliquerait les choses ; mais il reste qu’une injustice particulière, au milieu de la grande injustice, a été commise, celle de choisir pour les annexer au vainqueur, précisément les populations qui doivent le plus souffrir d’être annexées. Les guerres de conquête sont un tissu inextricable d’absurdités.

Profitent-elles au moins aux vainqueurs ? — La conquête, au moins pendant très longtemps, embarrasse beaucoup le conquérant. La conquête est une proie qu’il faut digérer, et pendant la digestion on est alourdi, faible et proie facile, à son tour, pour un autre. Un peuple vainqueur et terriblement vainqueur, et sans protestation de la part de l’Europe, en 1870, à quoi a-t-il songé, dirigé qu’il était par un homme à la fois très audacieux et très prudent ? Il a songé à se faire des alliés ; il a songé à transformer en alliés ses plus proches voisins, exactement comme s’il avait été vaincu ; avec plus de facilité, sans doute, parce qu’hommes et peuples sont toujours du côté de la force ; mais encore exactement comme s’il avait été vaincu. Qu’est-ce à dire ? Qu’une conquête est l’équivalent d’une défaite ? Parfaitement, pour un certain temps. Elle