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faire, se sont révélés le premier peuple du monde. Ils vont conquérir l’Europe par droit de souveraineté intellectuelle et morale, « le peuple souverain s’avance » ; ils vont conquérir l’Europe, mais pour lui donner la paix et la liberté, pour renverser tous les tyrans et pour faire une Europe républicaine, démocratique, égalitaire, sous des lois inspirées par la Déclaration des droits de l’homme et sous l’hégémonie protectrice de la France.

Cette dernière conception où se mêlent, tout comme chez les Romains d’un certain temps, le patriotisme, l’esprit de conquête, l’impérialisme, la volonté de puissance, la bonne volonté humanitaire, l’amour de la guerre et l’amour de la paix, a été, à mon avis, la pensée la plus répandue à l’époque révolutionnaire, et personne, à mon sentiment, n’a exprimé plus juste l’âme de la France à cette époque que M.-J. Chénier :

Et partout dans la nuit profonde
Plongeant l’infâme royauté.
Les Français donneront au monde
Et la paix et la liberté.

Cet état d’âme impérialiste n’a rien du reste que de très noble et fait honneur aux Français de 1793. Chaque peuple, quand il est arrivé à l’apogée de sa force, fait son rêve d’impérialisme à sa manière et selon son tempérament. L’Anglais