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la nature entière... Ce qu’il y a de pis c’est que la guerre est un fléau inévitable. Si l’on y prend garde, tous les hommes ont adoré le dieu Mars. Le célèbre Montesquieu, qui passait pour humain, a pourtant dit qu’il est juste de porter le fer et la flamme chez ses voisins dans la crainte qu’ils ne fassent trop bien leurs affaires. Si c’est là l’esprit des lois, c’est celui des droits de Borgia et de Machiavel. Si malheureusement il a dit vrai, il faut écrire contre cette vérité quoiqu’elle soit prouvée par les faits... » — « Voilà de tristes alternatives. Quoi ! point de loi de la guerre ? point de droit des gens ? — J’en suis fâché ; mais il n’y en a point d’autre que de se tenir continuellement sur ses gardes. Tous les rois, tous les ministres pensent comme nous ; et c’est pourquoi douze cent mille hommes en Europe font aujourd’hui la parade tous les jours en temps de paix. Qu’un prince licencie ses troupes ; qu’il laisse tomber ses fortifications en ruine et qu’il passe son temps à lire Grotius, vous verrez si, dans un an ou deux, il n’aura pas perdu son royaume. — Ce sera une grande injustice. — D’accord. — Et point de remède à cela ? — Aucun, sinon de se mettre en état d’être aussi injuste que ses voisins. Alors l’ambition est contenue par l’ambition ; alors les chiens d’égale force montrent les dents et ne se déchirent que lorsqu’ils ont à dis-