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doit guère espérer du hasard l’accord fortuit de toutes les circonstances nécessaires. Cependant si cet accord n’a pas lieu, il n’y a que la force qui puisse y suppléer ; et alors il n’est plus question de persuader mais de contraindre, et il ne faut plus écrire des livres, mais lever des troupes. »

Pour toutes ces raisons, Rousseau concluait que le projet de l’abbé de Saint-Pierre n’avait formellement contre lui que l’impossibilité d’un commencement d’exécution : « Quoique ce projet fût très sage, les moyens de l’exécuter se sentaient de la simplicité de l’auteur. Il s’imaginait bonnement qu’il ne fallait qu’assembler un congrès et proposer ses articles : qu’on allait les signer et que tout serait fait. Convenons que dans tous les projets de cet honnête homme, il voyait assez bien l’effet des choses quand elles seraient établies ; mais il jugeait comme un enfant des moyens de les établir. »

Rousseau ne s’est pas contenté de réfuter l’abbé de Saint-Pierre, il a, quoique beaucoup trop brièvement, donné son avis sur le fond de la question. Rien n’est plus désirable, selon lui, que les États-Unis d’Europe (excusez l’anachronisme), mais rien n’est plus certain que ceci qu’ils ne peuvent être établis que par la force, et par conséquent on ne sait point en dernière analyse s’il faut les