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Grotius ne songe point qu’à parler ainsi il ruine sa théorie et proclame en vérité le droit de la force. Nous verrons bien en dernière analyse que le droit de la force c’est l’infériorité du faible acceptée et déclarée par lui. Je suis votre maître si vous ne me résistez jamais, tant, par ne me résister jamais, vous me proclamez votre supérieur et vous vous reconnaissez d’une nature inférieure à la mienne. Si vous préférez toujours la vie à la liberté, vous proclamez que moi qui en vous attaquant, quoique plus fort que vous, risque toujours quelque chose, je suis d’une espèce supérieure à la vôtre. »

La non-résistance c’est une sainteté, peut-être ; mais c’est surtout, selon toutes les apparences, une servilité. Elle proclame le droit de l’assaillant en montrant l’assailli indéfiniment prêt à ne point se réclamer du droit. Quel droit ai-je sur un animal ? Un droit fondé sur ceci que je puis lui commander et qu’il ne songe qu’à m’obéir.

Ce droit de la supériorité de l’espèce est assez incontestable. Un peuple qui ne résiste pas signe une déclaration d’infériorité d’espèce à l’égard du peuple qui l’attaque et reconnaît ainsi le droit de la force. Il me semble que Grotius la reconnaît aussi quand il recommande au faible de ne pas résister au fort. Nous aurons assez l’occasion de revenir sur ces questions.