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motif, mais qui est toujours faite par des hommes qui ont de la religion. Or ces hommes religieux, poursuivant leur but très pratique, qui est le pouvoir, la puissance, la domination, non seulement ne sont pas entravés dans leur élan par une religion qui recommande la paix et qui en fait un devoir ; mais trouvent dans leur religion même une excitation belliqueuse qui s’ajoute à toutes les autres ! Il semble donc que toute idée et tout sentiment — sauf la peur — qui traverse l’esprit de l’homme tend naturellement ou est amené naturellement à tendre à l’agression. Le cœur humain serait comme un vase, où, à cause d’une première goutte d’acide qu’il contiendrait, tout ce qu’on verserait tournerait en vinaigre.

Je crois en entrevoir la raison, qui n’est pas horriblement pessimiste. L’homme n’est pas précisément « combatif », foncièrement, primitivement. Il est inquiet. Comment ne le serait-il pas, puisqu’il n’a pu sortir de l’état affreux où évidemment sa faiblesse constitutionnelle l’a maintenu longtemps, que par une défiance perpétuelle à l’égard de tout danger, de tout ennemi, et Dieu sait s’il était entouré d’ennemis et de dangers ! Cette défiance, cette inquiétude, survivent en lui ; et de même que, parce qu’il n’a pu sortir de l’état primitif qu’à force d’inventions habiles, il continue d’inventer