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faire qu’un mariage infécond ou désastreux en ses conséquences ; on souhaiterait que l’État composât son armée de citoyens âgés de quarante ans au moins ; ou plutôt on veut énergiquement, de toute l’énergie que peut donner la pitié et l’amour du genre humain, que la guerre n’existe plus et que l’état militaire disparaisse à tout jamais.

Mais l’immoralité suprême de la guerre et la suprême puissance démoralisatrice de la guerre ne sont pas encore là. La guerre est démoralisatrice parce qu’à cause d’elle il y a deux droits, deux justices, deux vertus, et que l’un de ces droits est négateur de l’autre, l’une de ces deux justices négatrice de l’autre, l’une de ces deux vertus négatrice, corruptrice et destructrice de l’autre. À cause de la guerre il y a deux morales absolument contradictoires, que l’on enseigne toutes deux aux hommes, dont l’une commande tout ce que l’autre défend, exalte tout ce que l’autre flétrit, et présente comme des actes de sublime vertu ce que l’autre appelle crimes ; ce qui fait que les hommes ne peuvent pas savoir où est le droit, où est la justice, où est la vertu, où est la morale, et sont dans l’incapacité absolue d’avoir une règle de leurs mœurs.

Pascal dit : « Pourquoi me tuez-vous ? — Eh quoi ! ne demeurez-vous pas de l’autre côté de l’eau ?