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sera très goûtée de tous les gouvernements qui n’auront pas, soit le droit de s’appuyer sur l’hérédité et le droit divin, soit la franchise de dire qu’ils gouvernent despotiquement parce qu’ils sont les plus forts.

Il existe une autre théorie, qui est moins abstraite, plus divertissante aussi et qui me paraît également une rêverie de beaux esprits philosophiques. On pourrait l’appeler la politique zoologique. La précédente, comme nous l’avons vu, avait un peu ce caractère ; mais celle-ci l’a bien davantage. Elle ne considère pas la société, une nation, comme une ruche ou une fourmilière ; elle la considère comme un animal. Vous, moi, nous sommes des cellules vivantes. L’Etat seul est un organisme, et l’Etat seul, par conséquent, a un moi. L’individu qui prétendrait avoir une autonomie, une indépendance, être libre, il faut même dire : être quelque chose, serait comparable à un nerf qui prétendrait être un être, à une goutte de sang qui dirait : je, à une goutte de sève qui se croirait un arbre ; autant de folies. Nous ne sommes que les rouages aveugles d’une machine intelligente, qui n’est intelligente en aucune de ses parties et qui ne l’est qu’en sa totalité, qu’en son ensemble. Nous obéissons, fragments de matière animée, à un cerveau qui seul nous dirige et qui seul sent, pense, veut, et qui seul a le droit de sentir, de penser et de vouloir. L’ensemble de ce corps organisé s’appelle