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l’un ni sous l’autre de ses aspects la liberté judiciaire n’existe.

Or la véritable garantie de toutes les libertés, et sans laquelle les autres libertés, quand même elles existeraient, n’existeraient pas, se trouveraient en définitive n’exister point, c’est la liberté judiciaire. Toute oppression, vraie ou crue, toute violation du droit de l’homme, vraie ou dont on se croit victime, ne peut se repousser que de deux façons : par la force ou par le plaid. Le citoyen qui se croit victime d’une oppression, s’il ne veut pas ou ne peut pas recourir aux armes, ne peut donc recourir qu’à un juge. Si ce juge, dans l’espèce, n’existe pas, ou n’est pas indépendant ou est impuissant, l’oppression subsiste. La garantie de toutes les libertés est donc la liberté judiciaire, et il n’y a, en dehors de la révolte, pas d’autre garantie de toutes les libertés que la liberté judiciaire. L’absence de liberté judiciaire accule donc le citoyen lésé à l’insurrection, ou, s’il se sent trop isolé pour s’insurger, le renfonce dans la servitude. Donc un pays qui aurait toutes les libertés, s’il n’avait pas une magistrature indépendante et qui fût un pouvoir, n’aurait aucune liberté en croyant les avoir toutes, ou plutôt s’apercevrait très vite qu’il a en apparence toutes les libertés, mais seulement qu’il ne jouit d’aucune.

Voilà le bilan ; voilà la liste des libertés dont nous jouissons. Nous n’avons — si ce n’est par