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la juridiction du jury et de les faire passer devant les juges qu’il nomme, qu’il « avance », qu’il disgracie en ne les favorisant pas, et qui par conséquent dépendent de lui. En 1902 le délit ou prétendu délit de « provocation à l’attroupement » a été correctionnalisé, c’est-à-dire qu’un écrivain inculpé de ce délit a été traduit devant le tribunal correctionnel et que ce tribunal s’est déclaré parfaitement compétent. Il n’y a rien de plus facile que de généraliser ce procédé. Il suffit de considérer quelque article que ce soit, hostile au gouvernement, comme provoquant à la sédition, et à ce titre de correctionnaliser le délit et de faire passer l’écrivain devant les juges correctionnels. Je ne vois pas un article un peu vif de journal de l’opposition sur lequel on ne puisse faire ce petit travail. La liberté de la presse n’existe pas en France autant qu’on le croit généralement. Elle n’est guère, comme sous tous les régimes qui se sont succédé depuis Louis XII, qu’une tolérance du gouvernement.

C’est même assez mauvais au point de vue diplomatique. Dans le cas où un journaliste français insulte un souverain étranger, si la presse française était vraiment libre, aux observations du souverain étranger on pourrait répondre : « En France la presse est libre » ; mais dans l’état actuel des choses, le souverain étranger, si on lui dit que la presse est libre en France, peut dire : « Comment se fait-il alors que quand vous êtes maltraité, vous,