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permet à Descartes d’écrire, à la condition qu’il soit en Hollande ; elle permet à Spencer d’écrire, à la condition qu’il soit en Angleterre ; elle permet à Voltaire d’écrire, à la condition qu’il soit à Ferney ; elle permet à l’Encyclopédie de s’imprimer, à la condition qu’elle soit protégée par un ministre accidentellement libéral ; elle permet surtout à des milliers, à des millions d’hommes moins brillants, aussi énergiques, de tirer d’eux, par eux-mêmes, aussi par la communication libre, par l’entente libre, par la réunion libre, par l’association libre, par la propagande libre, tout ce qu’ils avaient en eux d’utile pour eux-mêmes d’abord et pour le bien commun ensuite.

La liberté, c’est la fécondité. La liberté individuelle, c’est la fécondité individuelle ; la liberté de communication, d’entente, de réunion, d’association, c’est la fécondité individuelle multipliée. De la fécondité individuelle multipliée naît la prospérité générale de l’États. En frappant les libertés, l’État établit peut-être un niveau agréable à l’œil ; mais il tarit ses sources. Il évolue vers le désert. On a une certaine pudeur à rédiger des vérités si élémentaires ; mais je ferai remarquer que ce n’est pas ma faute si on les méconnaît.

Et je dis encore que l’État a besoin des libertés des citoyens pour lui-même, pour qu’il soit aimé, et qu’il n’est fort que s’il est aimé. Ceci est plus délicat, ceci n’est pas d’une vérité éternelle ; ceci