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et qui embarrassent surtout leurs successeurs.

A travers ces contradictions, ordinaires à la nature humaine, et qui sont faites pour le divertissement de l’humoriste, il reste ceci, c’est que Tégalité et la liberté sont parfaitement antinomiques, et que qui fonde celle-là ruine celle-ci et que qui est passionné pour celle-là ne pourra jamais supporter l’autre.

On me dira : D’où vient que tel peuple, le peuple américain, est égalitaire et est le peuple le plus libre de la planète ? — Cela vient d’une chose assez simple. Cela vient de ce que le peuple américain n’est pas du tout égalitaire.

Il ne l’est pas du tout. Il l’est, si l’on veut, dans les limites et dans les mesures de la Déclaration des Droits de l’homme ; il est partisan de l’égalité des droits politiques, de l’égalité devant la loi protectrice et réprimante, de l’égalité d’admissibilité aux emplois publics. Etre égalitaire dans cette mesure c’est ne l’être guère ; c’est ne l’être presque qu’en apparence. Mais pour ce qui est de l’être véritablement, non il ne l’est point du tout.

On ne le voit pas s’irriter des égalités naturelles qui existent entre les hommes, et je n’ai point entendu dire qu’il y ait eu un Babeuf américain qui ait écrit qu’il fallait s’insurger contre ces distinctions que mettent parmi les hommes les capacités et les talents.

On ne le voit point s’irriter contre les inégalités