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tions. Celle de 1793 fait comme un pas vers l’égalité réelle ou plutôt dirige un instant, par une maladresse de rédaction, les esprits de ce côté-là. La première ne fait aucune démarche et n’a aucune tendance, même apparente, dans ce sens. Toutes les deux n’entendent par égalité que l’égalité (tout au plus) des droits politiques, l’égalité devant la loi protectrice ou réprimante, l’égalité d’admissibilité aux emplois. On ne peut pas reprocher aux Déclarations des Droits d’avoir été témérairement et dangereusement égalitaires.

Cependant ce faible germe de doctrine égalitaire, déposé dans les 'Déclarations, devait se développer de telle sorte qu’il offusquât et même qu’il étouffât tout ce qui l’entourait. C’est que l’égalité et la liberté sont des goûts plus ou moins forts l’un que l’autre selon les pays, et qu’en France le goût de l’égalité est incommensurablement plus puissant que celui de la liberté, qui, en vérité, y existe à peine. Très vite cette idée ou ce sentiment fut à peu près unanime chez les partisans de la Révolution française : « La Révolution, c’est l’égalité. » De là le processus de l’égalité légale à l’égalité politique, de l’égalité politique à l’égalité réelle (partage ou collectivisme), et même encore de l’égalité réelle à l’égalité absolue (effacement des différences naturelles entre les hommes, force morale et force intellectuelle, par le fait de n’en pas tenir compte et de leur préférer leurs contraires).