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les uns sur les autres dans le corps humain donnent à la fois le mouvement et la pondération du mouvement. La vie d’un peuple a d’autant plus d’intensité qu’il y a sur le sol de ce peuple plusieurs principes en concurrence, par la même raison que les sentiments religieux vibrent davantage là où il y a différents cultes en présence. L’uniformité tue, l’émulation vivifie. Il ne faut pas plus nous en indigner ou nous attrister que du flux et du reflux des saisons. Mais chaque fois qu’un gouvernement de fraîche date vient à monter au pouvoir par le marchepied d’un parti, il tient l’existence de tout autre parti pour une attaque à la constitution, et il songe à le détruire, comme si un bras de chair avait la puissance d’anéantir un fait nécessaire, inhérent à la nature même de la société. Mais chercher à détruire un parti, c’est vouloir effacer de la carte un tiers, un quart, peu importe, de la nation ; car il n’y a pas un parti qui ne possède sa vérité relative et ne contribue ainsi à la puissance du pays, ne fût-ce qu’en forçant le parti adverse à déployer plus d’intelligence. Depuis soixante ans tous les partis ont successivement passé au pouvoir : tous ont également proscrit leurs rivaux sous prétexte de salut public ; tous ont également prétendu sauver la société en persécutant les hommes de la veille ou les hommes du lendemain. Ils ont succombé à la tâche, grâce au ciel ; mais que serait-il arrivé, si, par impossible, ils avaient réussi dans leurs