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allège la rude tâche qu’il a de traquer les meurtriers et les voleurs ; assurément. Mais il n’aime pas beaucoup une morale austère et rigoureuse, ardente et agissante, qui a le caractère d’une foi. Il y a quinze ans, M. Paul Desjardins essaya de fonder une petite association de progrès moral, d’épuration, d’édification. C’était une manière de secte vaguement protestante, quoiqu’elle ne se réclamât point du protestantisme, comme il s’en fonde une par jour en Amérique. Un républicain absolutiste de mes amis me disait : « C’est dangereux, cette machine que fonde Desjardins.

— En quoi, Seigneur ?

— Mais en ce que, remarque donc, une religion peut en sortir, et non pas une religion émoussée, usée, aveulie, comme les religions que nous voyons vivre ou plutôt végéter autour de nous, mais une religion neuve, une religion naissante, c’est-à-dire adulte, car les religions ont ceci de particulier qu’elles ne sont jamais plus adultes que quand elles sont naissantes, une religion vivace et vigoureuse.

— Eh bien ?

— Eh bien, elle créera des embarras au gouvernement.

— Pourquoi ?

— Je le parierais, qu’elle créera des embarras au gouvernement. Tout ce qui a une forte vie morale a une volonté ; tout ce qui a une volonté crée des embarras au gouvernement. »