Page:Faguet - Le Libéralisme.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce n’est que dans l’association que l’homme n’est pas seul (je demande pardon pour le truisme) ; car dans l’Etat il est seul en ce sens qu’il est passif et qu’il donne ce qu’on lui demande, non pas ce qu’il veut donner, ce qu’il tient à donner, ce qu’il prend plaisir à donner, ce qu’il donne passionnément, de son activité, de son ardeur, de son intelligence, de sa force et de son cœur. Mais précisément ce que l’Etat a une tendance naturelle à vouloir, c’est que l’homme soit seul et qu’il n’y ait rien entre l’Etat et l’individu. Il a une défiance naturelle des associations comme de quelque chose qui lui ressemble et qui n’est pas lui, et que par conséquent il considère comme on considère un rival.

Le paralogisme, ou le sophisme, est amusant : de ce que l’Etat est une association, l’Etat conclut ou feint de conclure que les associations sont des Etats. La réciproque n’est pas vraie. L’Etat est une association pour la police et pour la défense, et par conséquent est une association armée, en un mot il est un Etat. Les associations sont des fédérations pour tel ou tel objet particulier, ne sont pas armées, ne doivent pas l’être, seront dissoutes avec beaucoup de raison et de plein droit si elles le sont, sont volontaires et non obligatoires, petites ou grandes, selon les cas, temporaires et non éternelles, et sont des groupes d’où l’on peut sortir et où l’on peut rentrer à son gré ; en un mot n’ont aucun des