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me vêtir, à mon allure, à mon port de tête, à ma physionomie, à mon abstention relativement à la fréquence des sacrements, on peut me soupçonner d’être un janséniste silencieux, mais un janséniste ; et me forcer à déclarer soit par la parole, soit par la plume, que je ne le suis pas. C’est si possible que c’est arrivé. Dans ce cas, c’est la liberté de penser, en elle même, sans manifestation d’icelle, qui est violée, et opprimée, et supprimée. C’est le plus grand crime contre la liberté qui puisse être commis, puisque c’est ne vouloir pas qu’elle soit, même dans l’âme ; mais ce crime peut être commis, et il l’a été.

Je m’étonne que les Déclarations des droits de l’homme ne l’aient pas dénoncé. Elles ne réclament bien nettement que la liberté des manifestations de la pensée. Je conviens que par là elles réclament a fortiori la liberté de la pensée elle-même. La Déclaration de 1789 est, du reste, plus explicite, étant plus large, sur ce point, que celle de 1793. Elle dit un peu naïvement : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne troublé pas l’ordre établi par la loi. » — « Même religieuses » est amusant. Il semblerait que les opinions autres que religieuses sont particulièrement respectables et sacrées ; mais qu’en fin de compte on peut aller, par déférence pour la liberté, jusqu’à respecter même les opinions religieuses. On dirait que c’est de ce texte que