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chez l’un et chez l’autre, ce qui ne rentre pas dans ce dont nous nous occupons pour le moment, même timidité, même orgueil, même mépris, et affecté, du genre humain ; même mépris, et affecté, de la littérature contemporaine ; même habitude sarcastique ; même horreur du bourgeois, c’est-à-dire de « l’être qui a une façon basse de sentir », c’est-à-dire de l’homme qui ne sent pas et ne pense pas d’une façon excentrique ; même affectation de goût pour le libertinage, plus forte et plus constante chez le plus âgé que chez le plus jeune ; même humeur chagrine et contredisante. — Seulement Stendhal, plus léger, était plus sociable. Chez lui n’était que boutades, à la vérité répétées sans cesse, ce qui chez l’autre était sentiments profonds qu’il remâchait et qu’il recuisait dans la solitude et qui devenaient une partie même, et essentielle, de son être. Très longtemps Stendhal, très misanthrope, aima à porter sa misanthropie dans le monde et à l’y exercer avec une verve quelquefois spirituelle. Assez vite Flaubert, plus misanthrope, s’assit seul à seul et tête à tête avec sa misanthropie et se complut à avoir avec elle d’interminables entretiens.

Moine littéraire, reclus et un peu farouche, comme un religieux passe une vie de contemplations et méditations à se dire que Dieu est grand et que les hommes sont petits, il passa une assez longue vie, presque tout entière, à se répéter que les hommes sont petits et l’art grand et à mépriser les uns et servir l’autre avec une égale ferveur et une égale fougue de dévotion intraitable.