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Voyez saint Paul, « ce Pascal juif » comme Pascal fut un Paul chrétien, voyez ce chétif, ce malade, cet épileptique, peut-être cet ancien criminel, à coup sur cet ancien esclave de passions violentes. Ce qu’il cherche c’est à abolir en lui le péché par l’union intime avec son Dieu, c’est-à-dire à faire disparaître la vie dans la mort, qui est une nouvelle vie et la seule désirable. Aucune « volonté de puissance », aucune « volonté de domination » aussi formidable ; car tout effort est volonté et puissance. Mais où va cet effort ? À la mort, d’abord, à la mort actuelle, condition nécessaire et condition adorée de la vie réelle. « À la mort ! — À la gloire ! » dit magnifiquement et très exactement le Polyeucte de Corneille. À la gloire par la mort, c’est la devise même du chrétien.

Et, par une suite nécessaire, le Christianisme a une hostilité perpétuelle et incurable à l’endroit de la Beauté et de l’Art. On pourrait dire d’abord que qui est hostile à la vie l’est à l’art comme forcément, car « toute vie repose sur apparence, art, illusion » et croyance à une illusion considérée comme belle, séduisante et fortifiante. Sans aller si loin, le Christianisme est hostile à l’art comme n’admettant rien que ce qui est strictement moral et poursuivant la morale comme sa fin, ce qui exclut l’art, ou en le subordonnant, le dégrade et