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elle aussi, a ses erreurs. Mais ceci est une fausse volonté de puissance et au fond n’est qu’une faiblesse, l’horreur et la crainte de la mort ; et engendre une faiblesse peut-être plus grave, qui est celle-ci. Avec la croyance à l’âme immortelle, l’homme est forcé de prendre avant sa mort une décision, un parti ; puisque du parti qu’il prend son salut dépend. Voyez Pascal. Il en résulte une timidité extrême qui fait que la connaissance n’avance pas, que l’homme se tient craintivement comme au seuil de la connaissance : « La plus utile conquête qui ait peut-être été faite, c’est d’avoir renoncé à la croyance en l’âme immortelle. Maintenant l’humanité a le droit d’attendre ; elle n’a plus besoin de se précipiter et d’accepter des idées mal examinées, comme il lui fallait faire autrefois. Car alors, le salut de la pauvre âme immortelle dépendant de ses convictions durant une courte existence, il lui fallait se décider d’aujourd’hui à demain et la connaissance avait une importance épouvantable. Nous avons reconquis le bon courage à errer, à essayer, à prendre provisoirement. Tout cela est de moindre conséquence. Et c’est justement pour cela que des individus et des générations entières peuvent envisager des tâches si grandioses qu’elles seraient apparues aux temps jadis comme de la folie et un jeu impie avec le ciel et l’enfer. Nous