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croire en Dieu ; supposer l’univers intelligible c’est être déiste, même quand on se croit athée. — Pensée profonde, que Nietzsche voit très bien, jusqu’au fond, du regard le plus clair qu’il ait jamais eu.

Donc dissipons ces ombres de Dieu. Gardons-nous de croire l’univers intelligible. Gardons-nous de toutes les hypothèses par lesquelles nous tâchons à nous l’expliquer. « Gardons-nous [par exemple, panthéisme] de penser que le monde est un être vivant. Comment devrait-il se développer ? De quoi se nourrirait-il ? Comment ferait-il pour croître et s’augmenter ? Nous savons à peu près ce que c’est que la matière organisée et nous devrions changer le sens de ce qu’il y a d’indiciblement dérivé, tardif, rare, hasardé, de ce que nous percevons sur la croûte de la terre pour en faire quelque chose d’essentiel, de général et d’éternel ? C’est ce que font ceux qui appellent l’univers un organisme. Voilà ce qui me dégoûte. » — Sans aller si loin, « gardons-nous aussi de considérer l’univers comme une machine. Il n’a certainement pas été construit en vue d’un but ; en employant le mot machine, nous lui faisons un bien trop grand honneur. Gardons-nous d’admettre pour certain, partout et d’une façon générale, quelque chose de défini comme le mouvement cyclique des constellations qui sont voisines de nous : un regard jeté