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nité le chaos, non pas l’absence d’une nécessité, mais au sens d’un manque d’ordre, de structure, de forme, de beauté, de sagesse et quels que soient les noms de nos esthéticiens humains… Il n’est ni parfait, ni beau., ni noble et ne veut devenir rien de tout cela : il ne tend aucunement à imiter l’homme ! Il n’est pas touché par aucun de nos jugements esthétiques et moraux… »

Dieu est mort ; mais, prenez garde ; il reste des ombres de Dieu. Après la mort de Bouddha l’on montra encore pendant des siècles son ombre dans une caverne, une ombre énorme et épouvantable. « Dieu est mort ; mais à la façon dont sont faits les hommes, il y aura peut-être encore pendant des milliers d’années des cavernes où l’on montrera son ombre. »

Ces ombres de Dieu, c’est précisément ces croyances à quelque chose d’intelligent dans l’univers, à quelque chose ou de beau, comme nous venons de voir, ou d’ordonné, ou d’intentionnel. La métaphysique est une ombre du surnaturel ; la simple humanisation de l’univers est une ombre du surnaturel ; la simple croyance plus ou moins ferme que l’univers signifie quelque chose est une ombre du surnaturel. Comprendre l’univers c’est croire en Dieu ; croire le comprendre c’est croire en Dieu ; essayer de le comprendre c’est encore