Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/81

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

religieusement, et puisqu’il doit y avoir des restes de Christianisme dans l’état d’esprit général de 1880. — Ensuite cette nouvelle religion est une négation du Christianisme, relativement aux parties caduques du Christianisme. Elle n’en appelle plus à Dieu, elle semble ne plus songer du tout à Dieu ; peut-être elle n’y croit pas ; elle repousse l’idée de justice ; elle repousse l’idée d’État ; elle repousse l’idée d’autorité et l’idée de hiérarchie, toutes idées qui, au moins, avaient été acceptées par le Christianisme. Elle est donc, partie reste de Christianisme, partie réaction contre le Christianisme, comme le Christianisme avait été partie reste du judaïsme, partie réaction contre le judaïsme. — Et enfin elle s’appuie sur la faiblesse humaine, elle y fait appel, et elle la divinise. Elle correspond à l’état de lassitude de l’Europe écrasée de guerres, d’invasion et de paix armée ; et cette fatigue elle en fait une vertu. Elle dit : « Jamais de sang versé, jamais de guerre, même juste ; que la pitié arrête et supprime le carnage ! » — Au fond c’est dire : « Vous êtes lâches ? Eh bien, je vais vous révéler un secret divin qui vous fera plaisir : vous avez raison. »

Voilà comment une religion nouvelle essaye de détruire une religion ancienne et quelquefois y réussit. Voilà les trois conditions nécessaires et