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psychologique dans la découverte d’une catégorie d’âmes moyennes et qui n’ont pas encore reconnu qu’elles sont de même espèce. Ces âmes, c’est le fondateur de religion qui les réunit (relligio). C’est pourquoi la fondation d’une religion devient toujours une longue fête de reconnaissance. »

Cette religion, ainsi créée et ainsi organisée, se transmet par l’habitude et l’hérédité et se prouve et se confirme par les actes de courage très réel qu’elle suscite ; et comme, ainsi, de la faiblesse naît la force ou semble naître la force, la religion finit par avoir sur les imaginations l’influence et le prestige de la force morale. Mais avons-nous besoin de dire que le martyre ne prouve rien ? Il prouve, si l’on veut, et encore cela pourrait être contesté, que quelqu’un est très convaincu. Mais la conviction n’est pas preuve de vérité. Sans qu’elle le soit d’erreur, assurément, elle est même présomption d’erreur, puisque l’on voit bien, sans cesse, que plus l’homme est intelligent, moins il affirme, et puisque, par conséquent, un homme assez affirmatif pour mourir pour son affirmation peut être présumé volonté énergique, passion emportée, mais esprit étroit. — Les martyrs ne prouvent donc rien du tout, mais ils séduisent, ils animent et ils enivrent. Ils sont nécessaires au développement d’une religion et ils sont les véritables