Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/76

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

deux parts de lui, l’une pitoyable et faible, qu’il a appelée l’homme, l’autre très forte et surprenante, qu’il a appelée Dieu. »

Tout, donc, a poussé l’homme à la religion, et sa faiblesse et sa force, et sa force accidentelle en raison même de sa faiblesse ordinaire, et aussi sa faiblesse ordinaire, en raison de sa force accidentelle ; car, s’il était toujours faible, il ne sentirait pas sa faiblesse, et c’est sa force accidentelle qui lui fait sentir et mesurer sa faiblesse accoutumée. — Voilà l’origine des religions suffisamment expliquée, ce semble, puisqu’on explique par ce qui précède et pourquoi elles sont, et aussi qu’il n’est guère possible qu’elles ne soient pas.

Ajoutez à cet instinct créateur des religions, à ce double instinct créateur des religions, ou plutôt à cet instinct à deux faces doublement créateur des religions, les créateurs eux-mêmes, c’est-à-dire les organisateurs de l’instinct religieux. Ceux-ci, soit intuition rapide, soit réflexion profonde, font une chose très simple en soi qui a des conséquences incalculables. Ils avisent la façon d’être, naturelle, acquise aussi, et, enfin et surtout, ordinaire et générale, d’un peuple, et cette façon d’être : 1° ils la disciplinent ; 2° ils la divinisent, ils l’autorisent d’une idée théologique et théocratique.

Ils la disciplinent : de ce qui est pratique cou-