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médiocrité et de laideur, comme tout ce qu’il y a au monde de plus étranger à la vie, de plus hostile à la vie, et de plus destructeur de la vie. Le démocrate lui paraît je ne sais quel ami de l’ombre et des ténèbres humides, tout ce qu’il y a de moins apollinien ; et le socialiste, qui n’est pour lui, et il a raison, que le démocrate logique, un être de nuit, dont le seul souci est de vouloir éteindre tout ce qui ressemble un peu au soleil.

Ce qu’il y a de désagréable, c’est que ceux qui pourraient être puissants, ceux qui sont marqués pour diriger, ceux que les Grecs eussent appelés aristoï, ceux-ci même acceptent une certaine solidarité avec les tarentules, croient ou semblent croire, d’abord à la nécessité de leur existence, ensuite à la légitimité de leurs désirs, et enfin s’associent avec elles. À tort : « La vie est une source de joie ; mais partout où la canaille vient boire, toutes les fontaines sont empoisonnées… Mais j’ai demandé un jour et j’étouffais presque de ma question : Comment ? La Vie aurait-elle besoin de la canaille ?… Et j’ai tourné le dos aux dominateurs lorsque je vis ce qu’ils appellent aujourd’hui dominer : trafiquer et marchander de puissance avec la canaille. »

Et il se forme ainsi un singulier État moderne, l’État appuyé sur la canaille, l’État-canaille, pour-