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grande jouissance de la vie, c’est de vivre dangereusement. Construisez vos villes près du Vésuve ! Envoyez vos vaisseaux dans les mers inexplorées ! Vivez en guerre avec vos semblables et avec vous-mêmes ! Soyez brigands et conquérants tant que vous ne pourrez pas être possesseurs, vous qui cherchez la connaissance. Bientôt le temps passera où vous vous satisferez de vivre cachés dans les forêts comme des cerfs effarouchés. »

La mort fût-elle certaine, elle est encore de votre gibier d’optimiste ; car qu’est-ce qu’elle est ? La preuve que vous l’avez cherchée ; donc la preuve que vous avez vécu ; donc elle fait partie de la vie comme sa preuve, comme son stimulant, comme son but et comme sa récompense. En vérité la mort ainsi comprise est pleine de vie, et si elle en est le dernier éclat elle en est l’éclat suprême. « La plus belle vie pour le héros est de mûrir pour la mort en combattant. » — Et dès lors, ô douleur, où est ton aiguillon ? Je le vois très bien et merci à elle. Mais, ô mort, où est ta victoire ? Je ne le vois pas et la mort ne triomphe pas ; c’est moi qui triomphe en elle. — Et je ne crois pas qu’on puisse aller plus loin dans l’optimisme « par delà le bien et le mal » et qui enveloppe et emporte en lui le mal et le bien au delà de l’horizon humain et qui, comme Hercule, est vainqueur de la mort elle-même par ce