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Ce qui est, donc, certainement notre devoir, c’est de nous développer, de nous déployer tout entiers en toutes nos puissances, c’est d’arriver à être pleinement ce que nous nous sentons être : « Nous autres, nous voulons devenir ceux que nous sommes. » Il s’agit de dire oui à l’existence, de lui dire oui toujours ; et c’est-à-dire, non point de l’accepter, ce qui est une manière de la subir, mais de l’aimer, de l’embrasser amoureusement et passionnément : « Ce dernier oui, adressé à l’existence, un oui joyeux, débordant de pétulance, est non seulement la vision la plus baute, mais encore la plus profonde, celle que la vérité et la science confirment et maintiennent avec la plus grande sévérité. Rien de ce qui est ne doit être détruit ; rien n’est superflu… Pour comprendre cela, il faut du courage et, comme condition de ce courage, un excédent de force ; car dans la même mesure où le courage ose se porter en avant, la force s’approche de la vérité. La connaissance et l’affirmation de la vérité sont une nécessité pour l’homme fort, de même que l’homme faible, sous l’inspiration de la faiblesse, sent la nécessité de la lâcheté et de la fuite devant la réalité, sent la nécessité de ce qu’il appelle l’idéal. »

Quand on y songe, le pessimisme, l’idéalisme, le Christianisme, tous ces états de renoncements au