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plénitude éternelle de son allégresse. » — Le monde inintelligible comme justice, comme moralité et comme bonté, devenant intelligible comme beauté (Nietzsche dira plus tard le contraire ; mais nous verrons cela et peut-être les contradictions de Nietzsche sont-elles résolubles c’est aller dans le sens du monde, c’est le suivre, c’est adhérer à lui. C’est surtout ne pas entrer avec lui dans ce conflit et dans cette lutte qui déchirent les meilleurs d’entre nous que d’aller vers la vie, vers la beauté et vers la joie. Oh ! que ceci est important ! Ne pas quitter la terre, ne pas tourner le dos à la terre, ne pas renier la terre, rester fidèle à la terre ! « Je vous en conjure, mes frères, restez fidèles à la terre et ne croyez pas ceux qui vous parlent d’espoirs supraterrestres ! Ce sont, qu’ils le sachent ou non, des empoisonneurs. Ce sont des contempteurs de la vie, des moribonds et des empoisonnés eux-mêmes, de ceux dont la terre est fatiguée. Qu’ils s’en aillent donc ! Mes frères, restez fidèles à la terre, avec toute la puissance de votre vertu ! Que votre amour qui donne et votre connaissance servent le sens de la terre. Je vous en prie et je vous en conjure. Ne laissez pas votre vertu s’envoler des choses terrestres et battre des ailes contre des murs éternels. Hélas ! il y eut toujours tant de vertu égarée ! Ramenez, comme moi, la vertu égarée sur la terre. »