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rience entreprise sur quelque chose d’inconnu et d’inconnaissable [très exagéré], soit un nivellement par principe pour rendre l’être nouveau, quel qu’il soit, conforme aux habitudes et aux usages régnants. Dans les deux cas, c’est quelque chose qui est indigne du penseur, c’est l’œuvre des parents et des pédagogues qu’un homme loyal et hardi a appelés nos ennemis naturels [Stendhal]. Lorsque, depuis longtemps, on est élevé selon les opinions du monde, on finit toujours par se découvrir soi-même ; alors commence la tâche du penseur. »

Le fond de Nietzsche, c’est que l’homme a le devoir de se faire des idées personnelles, parce que seules les idées personnelles ont la consistance qu’il faut pour nous soutenir, et parce qu’on ne s’appuie fortement et solidement que sur soi-même.

En cela il a raison, et sa leçon est bonne et bon même son exemple. C’est pour cela que — outre le plaisir exquis souvent, pervers quelquefois, qu’on prend à le lire — on tire encore un singulier profit d’avoir lié commerce pour quelque temps avec ce « don Juan de la connaissance » et cet aventurier de l’esprit.

Août-septembre 1903.