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paresse et la lâcheté soient les conditions premières de la moralité ? » Et, précisément, surtout, Nietzsche, a rendu au monde l’immense service d’être loyal, d’être brave, de ne s’incliner devant aucun préjugé, ni même devant aucune doctrine vénérable, de ne reculer devant aucune idée de lui, si scandaleuse qu’elle put paraître, de tout remettre en question, intrépidement, comme Descartes, plus, je crois, plus à fond que Descartes lui-même ; d’avoir eu un imperturbable courage intellectuel, qu’il pousse quelquefois jusqu’à la forfanterie ; mais c’est le défaut de la qualité, à quoi il faut toujours s’attendre et de quoi il faut toujours prendre son parti.

Le fond de Nietzsche, c’est qu’il faut, chacun pour soi, se faire sa morale, se faire son esthétique, se faire sa politique, se faire sa science, et que l’éducation est très bonne, à la condition qu’elle nous donne la force de nous débarrasser d’elle pour nous en faire une.

Le fond de Nietzsche, c’est qu’il n’y a de bonne vérité que celle qu’on a découverte, ni de bonne règle de vie que celle que, loyalement et avec effort, on s’est créée.

Le fond de Nietzsche, c’est ceci : « Il n’y a pas d’éducateurs. En tant que penseur on ne devrait parler que d’éducation de soi. L’éducation de la jeunesse dirigée par les autres est, soit une expé-